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Analog Collector - le blog
26 juin 2012

Un enregistrement légendaire de Bizet réédité par Speakers Corner

 BIZET – CARMEN & L’ARLESIENNE SUITES – L’ORCHESTRE DE LA SUISSE ROMANDE – ERNEST ANSERMET – DECCA SXL 2037

Depuis plus d’un siècle, l’opéra Carmen de Georges Bizet figure au panthéon des pages lyriques françaises les plus connues, jouées et enregistrées. Qui n’a jamais entendu sous différents arrangements l’Air des toréadors, la habanera L’amour est un oiseau rebelle ou bien encore le chœur des gamins Avec la garde montante ? Sans doute pas grand monde, tout du moins dans les pays occidentaux. Revenons sur la genèse de cette œuvre à l’origine de deux suites d’orchestre dont Ernest Ansermet a enregistré une partie pour Decca en mai 1958. Cet enregistrement légendaire, couplé à des extraits de L’Arlésienne, vient d’être réédité par Speakers Corner.

bizet_SXL2037

Georges Bizet naît à Paris le 25 octobre 1838. Il bénéficie d’un environnement très favorable à la musique puisque son père est professeur de chant et sa mère une bonne pianiste amateur. Ses parents l’envoient au Conservatoire de Paris alors qu’il n’a que neuf ans. Il collectionne rapidement de nombreux prix tant en solfège qu’au piano, à l’orgue et en contrepoint. Malgré sa facture plutôt classique, sa première grande œuvre d’envergure, la Symphonie en ut, dénote chez lui une grande personnalité musicale en devenir. Il obtient dans la foulée un Premier prix de Rome avec sa cantate Clovis et Clotilde. Il passe trois ans en Italie à composer inlassablement. C’est là qu’il écrit entre autres son opéra bouffe Don Procopio.

Il retourne ensuite à Paris où il partage sa vie entre le théâtre, l’enseignement, les arrangements de partitions et les répétitions d’opéras, activités dans lesquelles il excelle en raison de ses grands talents pianistiques. Ses premiers opéras, dignes de ce nom, Les Pêcheurs de perles, daté de 1863, puis La Jolie fille de Perth, composé en 1866, n’eurent pas le succès escompté. D’autres projets d’opéras sont abandonnés par le compositeur, voire jamais représentés. La guerre de 1870 laisse moins de temps à Bizet pour composer alors qu’il est affecté à la Garde nationale. Heureusement, il est à l’abri des soucis matériels et financiers grâce à son mariage avec Geneviève Halévy, la fille de son mentor au conservatoire. Peu d’œuvres verront le jour par la suite et celles qui parviennent à être représentées, comme son nouvel opéra Djamileh, sont des échecs cuisants.

« Je suis persuadé que, dans dix ans, Carmen sera l’opéra le plus populaire du monde entier » (Tchaïkovski)

Nous sommes en 1871. Bizet, miné par les rhumatismes et une maladie de cœur, entreprend néanmoins la composition de ce qui deviendra par la suite son grand œuvre et qui restera son seul véritable succès posthume et universel, l’opéra Carmen d’après la nouvelle éponyme de Prosper Mérimée. Le livret nous conte l’histoire d’une gitane andalouse, Carmen, fantasque et passionnée, qui vit sans contrainte et entraîne avec elle un brigadier, qu’elle abandonnera au final pour un toréador, avant qu’il ne l’assassine par jalousie. Curieusement, à sa création, l’œuvre est ardemment critiquée pour son indécence et sa « pauvreté mélodique » (sic). Ce n’est que plus tard, à Vienne, une fois transformée en grand opéra avec de nouveaux récitatifs, que Carmen connaîtra un succès irrémédiable. Bizet meurt malheureusement le 3 juin 1875, le soir de la trente et unième représentation. Carmen enthousiasme tout autant Brahms que Wagner et Tchaïkovski. Ce dernier écrit en 1876 : « Je suis persuadé que, dans dix ans, Carmen sera l’opéra le plus populaire du monde entier ». L’avenir lui donnera raison. Nietzsche, le grand philosophe allemand, y voit de son côté un « retour à la nature, à la santé, à la jeunesse et à la vertu » salutaire.

Le succès de cet opéra incontournable tient à trois raisons : son inspiration folklorique ibérique qui allait fasciner les musiciens français comme Debussy et Ravel, son caractère opéra-bouffe et son sens de la tragédie qui puise ses sources dans les grands thèmes de la vie – l’amour, la passion, la mort – que partage le commun des mortels. Les deux suites d’orchestre, tirées de l’opéra, reprennent les mélodies les plus célèbres de l’œuvre.

 L’Arlésienne, un drame humain mis en musique par Bizet

Lorsqu’en 1872 Léon Carvallho propose L’Arlésienne aux commanditaires de son nouveau Théâtre du Vaudeville, Alphonse Daudet jouit déjà d’une solide réputation. Cette banale histoire de paysans, inspirée d’un fait réel, reprend une des Lettres de mon moulin publiées en 1866. Dans une ambiance provençale, Daudet dépeint le renoncement amoureux de Frédéri à son Arlésienne, lorsqu’il apprend que cette dernière a été la maîtresse de son rival Mitifo. L’amoureux déçu se suicidera par dépit. Carvalho demande à Bizet d’accompagner en musique la tragédie. Le compositeur accepte et écrit rapidement une partition qui devait attirer l’attention générale du public et de la presse sur cette première production du nouveau directeur du théâtre. Plus que la situation du drame, c’est le décor dans lequel se meuvent les personnages qui donne toute sa saveur à cette musique de scène. C’est à travers les senteurs du terroir que Bizet dépeint ses personnages. La création du drame est un douloureux échec pour le compositeur qui n’avait pas ménagé sa peine pour coucher sur le papier sa musique.

Certains critiques musicaux pressent néanmoins Bizet de transposer en suite pour orchestre les morceaux les plus longs de sa partition, ce qui fut fait en novembre 1872. Après la mort de Bizet, son éditeur confiera à Ernest Giraud, un ami du musicien, l’orchestration d’une seconde suite. Ces deux orchestrations s’imposeront peu à peu au grand répertoire. Leur succès ne s’est depuis jamais démenti.

Bizet par Ansermet : une référence

Cordes endiablées, rythmes nerveux et serrés, cohésion admirable : Ernest Ansermet traduit les intentions de Bizet avec toute la précision narrative qu’exige cette musique d’une très grande efficacité mélodique. Le chef suisse a puisé son programme dans les deux suites de Carmen et dans les deux autres de L’Arlésienne. Fertile en couleurs et en images cocasses, sa vision du compositeur séduit par sa clarté, son articulation nette, souple et son naturel. L’Orchestre de la Suisse Romande s’ébroue avec le pittoresque requis. Du grand art ! À rapprocher des enregistrements d’Eugène Ormandy de 1963 (Columbia) et de Paul Paray de 1956 (Mercury Living Presence) d’une grande munificence également.

                                                                                                                               Philippe Demeure
                                                                                                                               Pour Analog Collector

 Technique : 08/10 – Image stéréo bien définie et transparente. Dynamique importante. Très beaux timbres.



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